La richesse se veut discrète. Ainsi en va-t-il des riches propriétaires d’oeuvres d’art. Pour les soustraire aux yeux du grouillot inculte et du fisc prédateur, il y a des bien mal nommés « ports-francs ». A Genève, par exemple, existe un entrepôt de 150 000 m2, ultra-sécurisé, bunkérisé, où sont stockés en toute discrétion des chefs-d’oeuvre d’art et des antiquités du monde entier, et dont la valeur totale avoisine les cent milliards de dollars. Même dans le monde à l’arrêt d’où nous sortons à peine, le plus grand coffre-fort du monde n’a pas désempli.
Les ports-francs sont des cavernes d’Ali Baba pleines à ras bord de trésors non imposables, accaparés et escamotés par les super-riches.
La « mécanique » de ces lieux de combinards, c’est ceci : à condition qu’ils arrivent de l’étranger et tant qu’ils ne quittent pas la zone franche, il est possible de stocker des biens pour une durée illimitée… sans débourser un fifrelin d’impôt ou de taxe.
Nombreux sont les utilisateurs des ports-francs ayant société offshore sans pignon sur rue et qui louent un box avec ce faux nez. Il y a les ventes aussi : une oeuvre peut être stockée ad infinitum, vendue et revendue à l’envi sans jamais larguer les amarres du port pas très franc ! « Notre métier », dit un marchand d’art, « c’est la confidentialité ». Sacha Guitry séparait les collectionneurs d’art en « collectionneurs vitrine » et « collectionneurs placard ». Les seconds, ordonnateurs d’une confiscation et d’un confinement pécuniaires de l’art. Pas de voyeurisme jaloux de ma part. Mais la volonté de donner à voir le « voyourisme » jaloux de personnages enclins à vivre cachés… Sans doute pour vivre heureux, comme dit le proverbe. Mais à nos dépens. Et c’est tout le problème.
LE CAPITAINE TRICASSE