Au lendemain de la Grande Guerre, que la IIème Internationale a été incapable d’empêcher, la majorité des socialistes français décide l’adhésion à l’Internationale communiste. C’est l’acte de naissance du PCF.
Le 25 décembre 1920, Tours accueille le XVIIIème congrès de la SFIO, le Parti socialiste unifié en 1905. Les 370 délégués représentant les 140 000 adhérents doivent répondre à une question simple : leur parti va-t-il adhérer à la IIIème Internationale - communiste - fondée en mars 1919 à Moscou, dans la dynamique de la révolution d’Octobre 1917 ? « Prolétaires de tous pays unissons-nous » : dans la salle, une exhortation du Manifeste communiste de Marx et Engels (1848) s’étire en grandes lettres blanches sur fond rouge derrière la tribune et donne le ton aux débats, de même que les portraits du grand disparu, Jean Jaurès, assassiné le 31 juillet 1914 au café du Croissant après avoir bouclé son éditorial de l’Humanité, son ultime appel à la paix.
La Première Guerre mondiale s’est soldée par plus de cinq millions de victimes. La IIème Internationale s’est montrée incapable d’empêcher la guerre. Après la mort de Jaurès, la SFIO s’est ralliée à “l’Union sacrée” et plusieurs de ses dirigeants ont même occupé des fonctions ministérielles (Marcel Sembat, Jules Guesde, Albert Thomas). Les dirigeants socialistes tablaient sur un conflit de courte durée ; ce fut une boucherie. L’unité de la SFIO se délite avec cette guerre qui n’en finit pas. La révolution russe est accueillie avec sympathie dans tout le mouvement ouvrier. Les partisans de “l’Union sacrée” perdent en influence au profit des - jusqu’alors - minoritaires.
Les débats sont rudes
Dès l’ouverture des débats de Tours, aucun doute n’est permis sur l’issue du congrès. Les votes des sections ainsi que le congrès de la jeunesse socialiste, réuni deux mois plus tôt à la Bellevilloise, confirment qu’une large majorité soutient l’adhésion. Trois motions principales se disputent les votes des militants : la motion Cachin-Frossard en faveur de l’adhésion ; un texte présenté par Jean Longuet, le petit-fils de Karl Marx et chef de file des « reconstructeurs », qui accepte l’expérience soviétique tout en récusant la conception du parti ; la troisième est proposée par Léon Blum et un “comité de résistance” qui s’oppose en bloc à l’adhésion à l’IC. Les débats sont rudes. L’IC ne veut pas de compromis avec des éléments tièdes. La dirigeante du Parti communiste d’Allemagne (KPD), Clara Zetkin, qui s’est rendue en clandestinité à Tours alors que Paris avait refusé de lui délivrer un visa, ne dit pas autre chose dans son discours devant le congrès.
“Le socialisme continue”
Le 29 décembre le vote a lieu : pour l’adhésion 3 252 mandats, contre 1 022. « Nous sommes convaincus qu’il y a une question plus pressante que de savoir si le socialisme sera uni ou pas, c’est de savoir si ce sera le socialisme ou pas », déclare Léon Blum à l’adresse de la majorité. Quand l’année s’achève, la gauche française vient d’entrer dans le XXème siècle. Désormais, la vie politique sera marquée par les relations entre ses deux courants : réformiste et révolutionnaire. Le 31 décembre 1920, Marcel Cachin écrit dans l’Humanité, sous le titre : « Le socialisme continue » : « Les représentants socialistes de la classe ouvrière et paysanne ont voté à une majorité énorme l’adhésion à la IIIème Internationale. À aucun moment, question plus grave ne leur avait été posée. Que signifie la décision ainsi obtenue ? Sans doute affirme-t-elle tout d’abord la solidarité, la sympathie, l’affection sans bornes des travailleurs français pour la révolution russe. Mais elle marque en même temps leur volonté de préparer en notre pays les conditions favorables à une bataille de classes chaque jour plus rude et plus âpre. » Ainsi est né le Parti socialiste (section française de l’Internationale communiste SFIC), qui deviendra l’année suivante le Parti communiste, puis en 1922 le Parti Communiste Français SFIC.