Fabien Roussel, secrétaire national du PCF, a exposé la réforme alternative des communistes. Il demande au gouvernement de l’examiner et invite la gauche à en discuter le 11 décembre.
Extraits d’une interview parue dans L’Humanité du 25/11/2019
Vous appelez à la mobilisation du 5 décembre, quels sont vos griefs
contre la réforme des retraites du gouvernement ?
Fabien Roussel : De la dizaine de réformes conduites en trente ans,
celle-là est certainement la pire. Elle casse complètement le système
de solidarité et impliquera pour tous de travailler plus. Avec ce système
où le montant des pensions ne serait pas défini à l’avance puisque la
valeur du point pourrait varier d’une année sur l’autre, le gouvernement
veut nous pousser à souscrire à des retraites par capitalisation.
C’est le coeur de cette réforme : casser notre modèle pour orienter les
Français vers des assurances privées. [...]
Le Conseil national du PCF a validé [un] projet de réforme. Vous proposez un régime “unifié” et plus simple : quels droits ouvriraitil pour tous ?
F.R. : Le gouvernement martèle que l’existence de 42 régimes crée des injustices. Mais ceux qui subissent l’injustice sont ceux qui n’ont pas un régime leur permettant de partir à 55 ans, quand les travaux sont pénibles, ou à 60 ans avec une pension suffisante et garantie. Nous voulons, nous, un régime unifié par le haut. La France produit suffisamment de richesses pour cela.
Comment proposezvousde pérenniser le système par répartition alors que la durée de vie augmente ?
F.R. : Le gouvernement ne cesse de répéter que nous sommes passés
de 4 actifs pour 1 retraité à 2 pour 1. Or, dans le même temps, entre 1960
et 2000, le PIB a été multiplié par 4. Selon les projections disponibles,
la production de richesses doublera presque d’ici à 2040. Pour pérenniser
le système solidaire par répartition, il faut augmenter la part de richesses
que nous y consacrons. Le gouvernement veut plafonner ce
financement à 14% du PIB, nous pensons qu’il faut le porter à 17%.
Mais, outre la répartition des richesses, il faut changer leur mode de
production. Le système de retraites que nous proposons, par son financement,
est révolutionnaire. Il permet non seulement de répondre à l’allongement
de la durée de la vie, mais propose aussi un nouveau modèle
économique respectueux des salarié.e.s et de la planète grâce à une modulation
des cotisations.
Comment fonctionnerait un tel système ?
F.R. : Les aides publiques sans contrepartie, comme le Cice et toutes
les exonérations de cotisations, qui nous coûtent 66 milliards par an,
seraient supprimées pour que les cotisations financent bel et bien le
système de retraites. Celles-ci seraient alourdies pour les entreprises
qui délocalisent, embauchent des intérimaires au lieu de CDI, ne forment
pas leurs salarié.e.s ou ne respectent pas les objectifs environnementaux.
Au contraire, celles qui répondent aux objectifs écologiques et
sociaux cotiseraient normalement, mais seraient accompagnées dans
leurs investissements par des prêts à taux 0%. Nous estimons qu’en
cinq ans, 50 à 70 milliards peuvent ainsi être apportés au financement
de notre système de retraites. Mais c’est aussi l’un des leviers pour changer
notre modèle économique : Emmanuel Macron a fait la leçon aux
ouvriers de Whirlpool à Amiens [...], c’est indécent, alors qu’il a fait la
preuve de l’incapacité du capitalisme à répondre à l’impératif social et
écologique de la relocalisation de la production.
Quels autres leviers de financement défendezvous ?
F.R. : Les revenus financiers - 298,8 milliards d’euros en 2018 - doivent contribuer au même taux que les cotisations employeurs, soit 10,45%. L’égalité salariale femmes-hommes apporterait 6 milliards d’euros à la caisse des retraites : avec une loi contraignante, l’objectif peut être atteint en deux ans. Enfin, il y a la hausse des salaires. Nous demandons au premier ministre d’organiser une conférence sociale salariale pour, qu’à la date du 1er janvier, le Smic augmente de 20%. C’est réparer une injustice, et apporter de nouvelles ressources pour les retraites. [...]