À lire une récente chronique du Monde écrite par un prof à Sciences-Po, aussi “capital-risqueur”, les ouvriers ne sont plus dans l’industrie bien que la « nostalgie des cols bleu [...] continue de dominer notre représentation du monde du travail ». Et c’est un problème, selon lui, qui « nous empêche de comprendre l’économie d’aujourd’hui. »
En d’autres termes, il n’y aurait plus d’ouvriers au sens strict, quand bien même ils (et elles) sont toujours six millions en France. Cette thèse, qui a pignon sur rue dans les médias et certains milieux politiques, d’une quasi-disparition de la classe ouvrière, occulte ce que sont essentiellement un ouvrier et une ouvrière : quelqu’un qui n’a, comme unique ressource pour vivre, que sa force de travail à vendre ; qu’elle soit physique ou intellectuelle. L’ouvrier, ce n’est pas forcément un bleu de travail et des mains pleines de cambouis. L’ingénieur, qui tutoie son "boss" et joue avec lui au ping-pong dans les séminaires, ne se reconnaît peut-être pas dans la "classe ouvrière", mais la réalité est que le "boss" en question, propriétaire de la "boîte", lui paye sa force de travail et réalise ses profits sur le produit de son travail. C’est le coeur même de l’exploitation capitaliste : le salarié est payé pour sa force de travail et le fruit du travail revient au capitaliste.
La notion de classe ouvrière est-elle vraiment aujourd’hui à redéfinir ? Au profit d’une « nouvelle classe ouvrière » ; celle des « services de proximité », comme le préconise le chroniqueur ? À voir. Mais ce que sous-tend cette thèse, c’est l’idée d’une disparition de la classe exploitée, et donc de l’exploitation capitaliste tout court. Il fallait y penser. Pfuit ! Disparus les centaines de millions d’enfants, de femmes et d’hommes au travail sous-payé dans le monde !
LE CAPITAINE TRICASSE