Après les prud’hommes de
Troyes mi-décembre, les juges
d’Amiens et de Lyon ont rejeté
le plafonnement des indemnités
en cas de licenciement abusif
institué par les ordonnances
Macron à la demande du
patronat.
Le simple revers judiciaire se transforme en série noire pour les ordonnances
Macron. Dans la foulée du jugement des prud’hommes de Troyes
du 13 décembre, ce sont ceux d’Amiens et de Lyon qui, les 19 et 21 décembre,
a-t-on appris en début de semaine, ont jugé eux aussi contraire
aux textes internationaux ratifiés par la France, le plafonnement des
indemnités dues à un salarié reconnu victime de licenciement abusif.
Trois jugements en moins de dix jours, qui confirment une même lecture
du droit. Et un triple camouflet, au passage, pour les services de Muriel
Pénicaud qui avaient, dès le jugement de Troyes, senti le vent du boulet.
Au lendemain du verdict de Troyes, en effet, une ‘plume’ du ministère du
Travail avait tenté, dans une tribune, de discréditer les juges du travail
(composés de magistrats non professionnels, représentant à parité les
employeurs et les salariés) en mettant en doute leur « formation juridique
». En rendant ces décisions, « les juges prud’homaux ont fait leur
travail de juge, et c’est au contraire la preuve d’une compétence extrême »,
salue Me Philippe Brun. Pour l’avocat à Rémois, ces jugements vont désormais
« survenir en cascade, c’est une évidence. Si la France a toujours
ratifié les textes internationaux, c’est parce que son droit social était plus
avancé. Avec Hollande et Macron, on est passé sous la ligne de flottaison,
et les recours vont se multiplier ». Les décisions s’appuient, en effet, sur
la convention 158 de l’Organisation internationale du travail (OIT) et
la charte sociale européenne de 1996, qui disent que les salariés ayant
été abusivement licenciés ont droit à une « indemnité adéquate ».
Le précédent du Contrat nouvelles embauches
Cette indemnité, appelée aussi « réparation appropriée » dans les textes internationaux, est déterminée par les juges. Or la loi française ne peut aller à l’encontre d’une convention ou d’une charte internationale signée par la France. C’est ainsi que les salariés plaignants de Troyes, Amiens et Lyon se sont vus respectivement accorder des dommages et intérêts, pour licenciements sans cause réelle et sérieuse, supérieurs au barème d’indemnités avec un plafond maximal de vingt mois de salaire, comme l’ont institué les ordonnances Macron. 37 143 euros à Troyes au lieu d’environ 16 500 euros, si le plafond avait été appliqué. Pour Bernard Thibault, administrateur du Bureau international du Travail, « apprécier chaque situation dans le contexte qui la caractérise est aussi un principe du droit français. En ce sens, le barème est contraire à la lettre même de notre droit national. » Une intense bataille juridique est en cours. Ainsi, Me Brun et les syndicats CGT, CFDT et CFE-CGC d’une entreprise de Saint-Dizier (52), confrontés à un plan de licenciements qu’ils estiment abusif, s’apprêtent à faire « condamner la France pour violation de la charte sociale européenne » par le Comité européen des droits sociaux pour non respect du « droit à la protection en cas de licenciement ». Pour le juriste, Macron « s’honorerait à respecter les engagements de la France et l’article 55 de la Constitution ». Rappelons qu’après plusieurs condamnations d’employeurs au Prud’hommes, Dominque de Villepin avait dû se résoudre à abroger, en 2008, le Contrat nouvelles embauches (CNE).